Devant l’Hôtel de ville, l’asso Utopia 56 accompagne les exilés dans leur recherche d’un toit

À deux pas du BHV Marais, des bénévoles de l’association Utopia 56 se démènent pour trouver un toit éphémère à des exilés. Grâce à leurs efforts, six jeunes Africaines ont dormi au chaud dans un fablab.

Sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris, le marché de Noël brille dans la nuit en début de soirée. De nombreuses familles sont venues faire des achats dans les chalets, pendant que leurs enfants tournent sur les chevaux de bois, participent aux activité d’escalade et de luge sur piste artificielle avec des cris de joie. L’odeur de vin chaud inonde la place. 

Juste à côté, d’autres mômes courent, tournoient et rigolent autour de Nikolaï Posner, salarié de l’association d’Utopia 56. Il leur distribue des badges de l’association, les appelle par leur prénom. Les plus jeunes n’arrivent pas à les accrocher alors il les aide avec un grand sourire. Il tend son portable à une petite à l’accent maghrébin pour qu’elle envoie des messages : « il faut leur donner confiance, c’est comme ça que ça marche ». L’homme de 36 ans tente de trouver un toit aux exilés sans abris réunis sur l’esplanade. 

Des bénévoles les divisent en trois groupes, les familles, les hommes seules et les mineurs non accompagnés. Ils les référencent pour leur trouver un abri pour la nuit auprès du réseau d’hébergeurs solidaires constitué à partir d’une simple inscription sur le site internet. « Les hébergeurs sont des personnes  comme toi et moi, qui passent un bout de canapé ou une chambre mais pour une nuit », explique Nikolaï Posner. « C’est impressionnant comment on peut redonner vie à quelqu’un après une nuit au chaud et une douche. Ensuite, le cycle repart et les réfugiés reviennent aux permanences d’Utopia. »

Six places dans un Fablab du 19e

Sur le parvis les bénévoles font le lien, depuis leur mobile, entre les hébergeurs disponibles et les familles à la rue. Un guide conduit vers leur destination ceux qui ont la chance de bénéficier d’un toit. C’est le deuxième soir que Léonard, bénévole et étudiant en architecture d’extérieur, joue ce rôle. Ce soir, il prend en charge six jeunes femmes africaines, Aja, Jamina, Maryam, Jeneva, Ana et Ouassa. Il a reçu l’adresse et les fiches des exilées sur son portable. Elles viennent de Côte-d’Ivoire, de Guinée et du Mali. Inquiet, Léonard vérifie à plusieurs reprises qu’elles sont toutes présentes avant de s’engouffrer dans le métro, ligne 11, direction le 19e.

Sur le trajet, Ana, qui se déclare mineure, se confie. Elle a quitté la Côte-d’Ivoire il y a 4 mois, a traversé la Libye, la Tunisie et l’Italie, espérant pouvoir aller à l’école en France. Dans son village, elle n’a pas eu cette chance. Elle interpelle, avec son accent prononcé, le président de la République dont elle connaît bien le nom. « Macron, il doit nous aider, c’est dur, il fait froid, je ne sais pas écrire, je veux aller à l’école pour trouver du travail. » Léonard frappe à la porte du bâtiment où sont logées les jeunes Africaines pour la nuit. Sans réponse, il appelle le contact que l’association lui a donné. L’hébergeur solidaire lui donne un code d’accès qui permet d’accéder à une cour sombre. Au fond, une porte donne sur un fablab, un espace de travail collaboratif. Un groupe qui dîne dans un réfectoire accepte d’ouvrir la porte. Au bout d’un long couloir, Léonard trouve un bureau où sont disposés six matelas à terre. À côté il y a bien des sanitaires… mais pas de douche. Les filles pourront tout de même dormir au chaud cette nuit.

Ils dorment devant le BHV

Sur le parvis de l’hôtel de ville, tous les exilés n’ont pas eu cette chance. Shota, géorgien, est arrivé en couple avec ses 2 enfants de 13 et 7 ans. Depuis 2 mois, la famille dort devant le BHV ou la gare routière de Bercy. Le 115 leur a permis de passer deux nuits à l’hôtel. Une seule fois, Utopia 56 leur a trouvé une solution. Il déplore que sans hébergement stable il ne puisse pas trouver de travail. Et sans travail pas d’hébergement stable. Le serpent qui se mord la queue. Difficile aussi de scolariser les enfants. La famille mange grâce aux distribution d’Utopia mais aussi d’Emmaüs. « C’est comme ça ! », s’exclame Shota, fataliste.

« Malheureusement on n’a pas les solutions pour tout le monde, donc en ce moment les familles dorment beaucoup au pied du BHV », déplore Nikolaï (voir article de Garance).

À cause du manque de place, l’association est obligée, à regret, de prioriser les plus fragiles: les femmes enceintes, les handicapés, les familles… Pour les autres, la structure distribue des tentes, des couvertures et des repas obtenus auprès des associations de maraude. À Paris, ils prennent tout de même en charge 100 à 150 repas. 

Les permanences à l’Hôtel de Ville sont en place depuis 3 ans, tous les soirs, été comme hiver « et jamais un soir n’a été raté », se félicite Nikolaï. Il a bon espoir car il perçoit une dynamique autour du bénévolat. « La mobilisation grandit », affirme-t-il.

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